Fortune critique 1946-1949

Pierre DESCARGUES, Arts, 20 décembre 1946

Mentor Blasco, d’abord paysagiste, aborde peu à peu la composition. Et cette évolution s’accompagne justement d’une plus grande liberté, d’un plus exclusif amour pour les seules qualités de la peinture. C’est ainsi que nous pouvons suivre dans ses paysages de Solliès-Pont et de Menton l’équitable transformation de sa façon de traiter le sujet. Toujours, il a gardé cette bonne habitude d’extraire de la nature ce qu’elle a de durable et de pur. Aussi le paysage méditerranéen lui convient-il à merveille et, peu à peu maître de son sujet, Mentor Blasco parvient à se jouer de lui, sans jamais rompre le contact avec l’émotion qu’il lui a donnée. Assurément, le peintre se doit de travailler beaucoup encore pour atteindre à une œuvre plus durable. Mais il semble qu’il ait en sa possession tous les dons nécessaires à cette progression.

Pierre DESCARGUES, Arts, Préface à la 1re exposition - Paris, décembre 1946

Mentor Blasco habite une maison merveilleuse, moitié théâtre, moitié atelier, non loin du quai de Jemmapes. Et chaque fois que je passe dans ce quartier, un des plus beaux, un des plus étranges de Paris, je pense au jeune peintre qui travaille, qui cherche dans la solitude, loin de toutes les chapelles, groupes et raisons sociales d’une bonne volonté où se mêle presque toujours un dangereux cabotinage.
C’est pour cette intégrité qu’il faut apprécier la peinture de Mentor Blasco. En véritable indépendant, selon un bel orgueil traditionnel, il s’intéresse seulement à ce qui est entre lui et la nature, à cette « liaison » magnifique entre l’artiste et le monde qui aide à vivre les autres hommes.
Ainsi devant la toile blanche ou la page de son carnet de croquis, Mentor Blasco joue franc jeu. Dans la campagne de Solliès Pont ou sur le port de Menton il des défend de jamais tricher avec le paysage ou avec lui-même.
Et puisque en cette première exposition sont rassemblées des œuvres échelonnées dans le temps sur plusieurs périodes de travail, on se doit de remarquer que toutes, aussi bien les plus anciennes que les plus récentes, prouvent une égale rigueur, une égale sensibilité. On sent que chacun de ces tableaux est nourri de longs regards sur les champs, sur les bois d’oliviers, sur les collines, sur le soleil. Pour cette raison il échappe à tout académisme. Une vie vécue intensément est toujours le meilleur garant, le plus solide soutien du talent.
Mentor Blasco s’oriente maintenant vers des recherches de couleurs et de composition, montrant ainsi un autre aspect d’une carrière qui, nous l’espérons, n’a pas fini de se renouveler.
Par la saine joie qui l’anime, par son acuité de vision et surtout par son refus de tout compromis Mentor Blasco est, parmi les jeunes peintres, un de ceux dont nous pouvons attendre une œuvre vraiment digne d’intérêt.

V. L., Journal de Genève, 26 avril 1949

En pénétrant Galerie Dermes, rue Neuve, on reste comme étourdi par les couleurs vives du peintre Mentor. Ce sont là, en effet, paysages ensoleillés, traités avec une telle hardiesse, avec une si complète ignorance (voulue d’ailleurs) des lois picturales, que l’on en demeure étonné. Pour Mentor, en effet, la vie de la nature se manifeste par une abondance de jaune auquel, comme par fantaisie, les teintes les plus diverses apportent , en chassant la monotonie, une harmonisation assez inattendue.
Ce sont là, arbres balancés par le vent que l’on devine mieux dans son esprit que sur la toile, maisons méridionales accrochées les unes aux autres avec une stabilité précaire et ciels d’une coloration si curieuse que l’on serait presque tentés de croire que Mentor est daltonien.
Pourtant l’œil s’habitue sensiblement à cette lumineuse évocation de la nature et s’il hésite devant les lois de l’équilibre qui n’apparaissent plus avec leur rigidité coutumière, il adopte cependant cette recherche habile des formes et des couleurs.