Depuis sa dernière exposition, le jeune peintre espagnol a réalisé de considérables progrès. On découvre tout de suite, en regardant son nu, ses personnages et son paysage, la dualité de son tempérament. Mentor est brutal et tendre à la fois. Il aime l’ordonnance claire et nette de son paysage, la manière dont un « cabannon » provençal se réduit à un cube tout simple. Et puis il aime aussi la façon qu’ont le vent, le soleil, la chaleur, de passer à travers les arbres et là il évoque une explosion de brouillard de couleurs. Il en sera de même pour tel portrait très architecturé, cerné, fixé sur la toile et d’une délicatesse rare en lui-même, à l’intérieur de cette « mise en place ». |
Nos lecteurs se souviennent sans doute du dessin de Mentor Blasco, que nous avons publié la semaine dernière. S’ils l’ont remarqué, faut-il encore leur dire la qualité générale de l’exposition que ce « bélier » laissait bien deviner ? Les portraits, les paysages, les études d’animaux qu’expose ce jeune peintre espagnol constituent dans son œuvre un moment d’importance. A se passionner pour la réalité, à vouloir la saisir, Blasco n’a pas renoncé à son style. Dans ses études les plus poussées, il travaille comme un sculpteur, cherchant le volume, le faisant puissant grâce à une intelligente déformation. Quant il traduit un paysage, il est plus libre : le trait court avec élégance sur le papier, marquant soudain, par un signe, la force de l’émotion, le goût de la vigueur. |
Une révélation, c’est la trentaine de dessins exposés par M. Mentor Blasco au Club de la Publicité (27 bis, avenue de Villiers). Il est étonnant qu’aucun éditeur n’ait encore confié à cet artiste l’illustration de quelque grand texte. Sa technique le destine à ce genre de collaboration qui exclut tout barbouillage. Qu’il saisisse sur le vif, et sans repentirs, un couple de cyclistes ou de lutteurs, quelques moutons ou brebis et béliers, qu’il fasse un portrait avec une autorité digne de certains maîtres, son trait a un style sculptural d’une vigueur vraiment singulière. Qu’il transpose à l’atelier l’arabesque de ses instantanés pour en faire des compositions modelées avec un très sens très sûr de l’anatomie, ses dessins gagnent encore en puissance monumentale. Il y a peu d’exemples, en France, d’un pareil savoir exempt de toute fâcheuse virtuosité. |
C’est par une exposition de dessins, Avenue de Villiers, que M. Mentor Blasco se révéla naguère au public parisien. Les hommes sensibles à la magie du langage que peut être le dessin se devrait de prédire une carrière heureuse à ce Catalan modeste qui parvenait à figurer, avec tant de décision et de sensibilité, hommes et bêtes dans leurs aspects essentiels.
On retrouve en cette exposition d’exemplaires spécimens en blanc et noir de cet art qui, plus que tout autre, est opération de l’esprit et don de soi. La transformation mystérieuse de l’objet en signes expressifs au cours de l’interprétation, le développement nuancé de l’arabesque qui fixe le mouvement et révèle la vie ont toujours été le souci premier de M . Mentor Blasco. Il a sut trouver, comme les vrais artistes de tous les temps, le dessin particulier qui convenait exactement à la peinture. |
Ce qui captive le spectateur, dans cette peinture, n’est-ce pas surtout la douceur, l’amour pour l’homme et sa vie qui s’en dégagent ? On se laisse tout de suite prendre à cette chaleur humaine qui irradie des visages, des personnages au milieu leurs animaux familiers qui, comme dans les fresques narratives, les entourent de tous côtés et dans tous les sens. Puis on vibre avec le peintre devant ces chauds paysages du Var que le soleil et les mouvements de terrain construisent si solidement et c’est un plaisir que de vivre dans le pays de Mentor Blasco, avec les femmes au marché, les porteuses d’eau à la fontaine, les bêtes amicales et les fruits savoureux, dans ce pays d’une sage et profonde gentillesse, où tout est humainement beau. |
Le peintre Mentor a pieusement conservé la leçon d’austère poésie que lui a donné son Espagne natale. Prisonnières d’une pâte rugueuse, farouche, ses natures mortes, comme ses arbres, comme ses personnages figés devant des étals, comme ses fruits, ont l’air d’avoir été pétris dans la poussière rouge et brune des sierras. De superbes dessins pleins de relief font surgir du blanc impénétrable de la feuille au taureau noir comme la fonte, ou la stature imposante d’une femme faisant la cueillette des fruits. |
Les dessins de Mentor sont magnifiques. Cet artiste exalte les sujets qu’il choisit. Il les fait siens sans avoir recours à une écriture aguichante. Il façonne ses noirs et blancs comme le sculpteur fait surgir de la pierre les formes qu’il conquiert. Sa plume est un stylet. La masse du modèle est déterminée par l’arabesque nuancée et essentielle. Ses contours sont simples et nets. |
On avait remarqué une première exposition de dessins. Nous en retrouvons aujourd’hui quelques-uns et leur style caractéristique, souligné par la netteté du noir et du blanc, est pour nous une introduction à la peinture de Mentor. Le modelé puissant des taureaux, les oliviers nerveux et doux dénotent l’intelligence d’une technique qui accorde les moyens au sujet. Contraste entre une forme simple et des valeurs étudiées : noirs d’une plume aigüe, gris d’un trait de crayon. Parallèlement, on appréciera dans ces toiles les lignes nettes d’une composition qui domine les objets tout en respectant leurs formes. La couleur volontairement sobre apporte un élément d’austérité qui fait la qualité des natures mortes et des paysages. Plusieurs compositions toutefois ne sont pas dégagées d’une certaine lourdeur. |
Mentor’s paintings, at the Galerie de l’Elysée, 69 Rue du Faubourg Saint-Honoré, are accomplished, in the most professional sense. Heavily archit ectonic, the landscapes reveal a thorough knowledge of Cubist principes, while te figure-paintings owe something to Léger, the Mexican muralists and Michelangelo’s frescoes. M. Mentor relies largely on earth tones to confirm the strength of his pieces, and within the range of his efforts, he creates impressive structures. In fact, the predomonant quality of the work is monumentality, although there are no really large paintings in the show. Les peintures de Mentor à la Galerie de l’Elysée, 69 rue du Faubourg Saint-Honoré, sont parfaites du point de vue professionnel. Fortement architectoniques, les paysages révèlent une profonde connaissance des principes cubistes, tandis que la « figure » doit quelque chose à Léger, aux peintures murales mexicaines et aux fresques de Michel Ange. Mentor compte beaucoup sur les tons terreux pour confirmer la force de ses œuvres et de ses efforts naît de grandioses structures. En effet, la qualité prédominante de l’œuvre, c’est son caractère monumental bien qu’il n’y ait pas de grandes toiles dans l’exposition. |
Il serait exagéré de prétendre que l’exposition de peintures et dessins de Mentor à la Galerie de l’Elysée, en février 1953, fut un événement parisien. Mais il est certain qu’un inconnu, par la nouveauté de son apport, força l’attention du public et de ceux qui prétendent à son éducation.
Mentor se fit remarquer, non par une soumission aux tics d’époque et par de volontaires délits picturaux qui sont, en général, l’alibi des impuissants, mais par la transcription de ses sensations en éléments plastiques extrêmement personnels.
Pour une fois, un jeune artiste ne simulait pas la fraîcheur de vision d’un Pierre Bonnard. Il ne se parait pas de vieux chandails chippés à Picasso. Il n’était ni abstrait, ni néo-réaliste. Il était lui-même. Il était Mentor. Et peintre sans subterfuges.
Les tableaux de Mentor ont le plus souvent pour sujets des scènes rurales dont le peintre est, l’été, le témoin dans cette région du Var des terres qui va de Brignoles et de l’oasis de Méounes aux abords de Toulon par la succession des Solliès : Solliès … Toucas … Pont … Ville… où la vigne et la cendre verte des oliviers font, aux gestes des hommes, un décor d’une rare distinction. Des petites gens de ce pays, de leur négoce et de leurs récoltes, de leur modeste logis et de leur horizon familier, Mentor fait des compositions dépouillées de la réalité précaire de l’anecdote et du pittoresque. D’où un style qui serait moins particulier, peut-être, si Mentor, avant d’attendre à la notoriété comme peintre, n’avait été le dessinateur expressif dont les œuvres en blanc et noir lui valurent ses premiers succès et, récemment, la plus haute récompense accordée à cette forme d’art.
« Pourvu que cela dure… » disaient certains oracles parisiens, après avoir rendu hommage au talent de mentor. Bien sûr, on ne sait jamais. Il y a, il y eut toujours des virages dangereux dans la création artistique, dans la course à la gloire ou au compte en banque. Et dans ce genre d’exercices, « les fruits ne passent pas toujours les promesses des fleurs », sinon il y aurait plus de peintres originaux en une génération, que de jours en un mois. Mais en ce qui concerne Mentor, que les inquiets soient rassurés. La complicité du plasticien et du coloriste et aussi le bon sens et la culture de ce Catalan, si chaleureusement intégré dans la vie française, ne laissent aucun doute sur le sens de son évolution.
Je n’irai pas comme certains Parisiens devant les œuvres de Mentor siffloter, un air de Jacques Offenbach : « Il grandira… il grandira… car il est Espagnol… ». Un tel hommage ne peut qu’être sensible à l’intéressé comme à ceux qui croient à ses dons et à son avenir. Mais soyons sérieux. Il est tellement plus simple et plus convaincant de confronter les peintures de 1952 avec celles exécutées ces derniers mois. Mentor y administre la preuve de son hostilité aux renouvellements factices autant qu’à la stagnation, même si elle doit être l’exploitation fructueuse d’un succès.
Dans toutes ses compositions apparaît la même volonté de dégager du chaos des formes la grandeur simple de ce qui dure. Hier, ses compositions faisaient penser, par leur ordonnance et leur facture, à des morceaux choisis de fresques dans lesquelles le peintre s’était limité à des combinaisons chromatiques où prédominaient les tons gris perle, havane clair et pain brûlé, assortis de verts éteints et de vieux roses d’une extrême finesse. Aujourd’hui, sans s’abandonner au dévergondage, tube contre palette, des tons purs dont la pratique, chez les débiles, est souvent un attrape-nigaud, Mentor se rappelle que la couleur est le propre de la peinture et s’achemine avec une louable prudence vers des harmonies de sonorité plus intense où sont conciliés les problèmes des tons et des valeurs.
De quoi permettre d’espérer d’autres enrichissements. Et le Musée de Mulhouse qui fut souvent, ces dernière années, grâce à quelques maîtres, le conservatoire des bonnes manières picturales et plastiques, pourra, espérons-le, s’enorgueillir d’avoir accueilli un de ces jeunes hommes que leurs mérites désignent pour assurer la relève de leurs aînés.
Le Musée de Mulhouse ne ressemble pas autres musées de France. S’il a un Comité directeur, il n’a pas de conservateur et lorsqu’il se mêle d’organiser des expositions, ce furent des rétrospectives que, seuls, les grands musées nationaux peuvent se permettre. |
Les thèses que traite Mentor ne livrent pas la clef de son art à perspectives multiples. Ce Madrilène de l’Ecole de Paris a subi l’attraction de la peinture française, mais n’a pas abdiqué sa vocation première. Si, dans ses paysages et ses scènes de la vie silencieuse une couleur incarnée transmet directement les sensations de vie, si ses fleurs communiquent l’allégresse, si ses fruits pesants sont riches de sève, son cirque fabuleux, ses figures immobiles et ses étranges intérieurs animés révèlent sa filiation ethnique et spirituelle. Le goût de la féerie et le sentiment de la réalité coexistent dans son œuvre. La réalité est sciemment transgressée. Si spontané soit-il, l’artiste dont nous parlons est un constructeur d’objets de poésie et d’images animés dans lesquels resurgissent les fantôme lointains des déesses-mères de la préhistoire, de la Dame d’Elché, cette idole ibérique parée comme une madone de Pasos sévillans, les Vierges des fresques romanes de Catalogne et les naïves enseignes de boutiquiers qui sont les points de mire du folklore espagnol. Les Bestiaires de Mentor et ses Ménageries trahissent les sources populaires de son art. Il paraphrase ces décors chimériques et ces toiles de fond des fêtes foraines qui achèvent parfois leur laborieux périple dans les salles des musées. Peintre attaché aux apparences sensibles, Mentor les envisage comme une matière première et un vocabulaire auquel il emprunte les termes de son langage. Sa magie fait éclater le cadre d’un art assujetti aux règles de la logique. Son magnétisme est lié à ce phénomène en tous points contraire aux lois de la nature qu’est le merveilleux de la vie quotidienne. Son métier porte la marque d’un ouvrier manuel en pleine possession de ses moyens techniques. |
Il y a chez Blasco Mentor un certain balancement entre la force instinctive et l’acquisition spirituelle, ce qui confère à sa peinture une poésie toute charnelle et heureuse. La chaleur de son rouge dominant fait éclater la rigueur de ses visages immobiles, des volumes géométriques empruntés à Gromaire et à Léger. La banalité des thèmes : fêtes, cirque, paysages, fleurs et jeunes femmes se fait oublier devant l’embrasement de Mentor pour les joies les plus simples : celles de la couleur et de la vie. |
Mentor est ce jeune peintre espagnol épris des formes amples et riches, héritier des Maîtres ibériques, puisque, comme eux, il se plaît à prélever dans la réalité des portraits accablés de réalisme, des scènes intimes, des paysages bruissants de lumière ou de grands bouquets serrés à l’efflorescence damasquinée, rechaussés par une féerie rayonnante. |
Blasco Mentor est un peintre lucide. Vivant à Paris, il n’a point rompu avec la tradition de son pays natal, l’Espagne. Réaliste, il idéalise son modèle même lorsqu’il en multiplie le caractère dans une forme pleine et comme primitive. Il est capable de donner la majesté au grotesque, tout en mêlant l’ironie au sérieux. |
C’est un Catalan, au visage glabre assailli de tous côtés par une tignasse sauvage et crêpelé.
La dignité toujours un peu triste de sa race lui donne une gravité qui cède très vite à l’amitié. Alors il devient d’une gaieté toute méridionale. |
À la récente exposition des œuvres de Blasco Mentor, Galerie Carlier, des peintres sont venus, puis revenus deux fois, trois fois. L’un d’eux confiait : « La réussite d’un confrère attriste toujours, car on voudrait pouvoir faire aussi bien ; je me sens triste… » |