Fortune critique 1970-1979

Le Figaro, 11 février 1970

Le thème choisi par Mentor pour sa nouvelle exposition tourne autour de celui du cirque et du spectacle qu’il intitule « La Grande Parade ». On retrouve son personnage type sur chaque toile, figure ronde au nez assez long au front bas qui sert à illustrer le monde de la balle, un monde où le rire côtoie si souvent la tristesse. Le visage de ces clowns grimaçants, jouant le plus souvent d’un instrument de musique sous le regard de femmes rondes et nues, laisse entrevoir toute la gamme des sentiments humains. Les attitudes, les regards contiennent cette infinie compassion de la connaissance des êtres. Mentor dans aucune de ses toiles d’un réalisme d’expression plus fort qu’agressif – toujours traité en teintes sourdes de beiges, de roses ne nous donne jamais l’occasion de rester indifférent, le temps d’une contemplation passive. Si l’artiste sollicite l’œil, sait le faire entrer dans sa perspective, en ne ménégeant pas certaines réalités, c’est toujours pour mieux faire ressortir la densité humaine des êtres par-delà leurs gestes les plus quotidiens. Cette exposition prouve le talent d’un peintre allié à celui d’un être qui cherche à pénétrer la vie dans ses variations les plus intenses. (Galerie Drouant, jusqu’au 24 février.)

Raymond CHARMET, La Galerie des Arts, 15 février 1970

Mentor est un peintre épique, le seul peut-être depuis Chagall. On se souvient qu’il a raconté –c’est le sens grec du mot épique – la grande aventure de l’humanité dans l’immense décoration murale de la Maison de la culture à La Courneuve, intitulée La Conquête du Bonheur. Evocation monumentale des travaux, des fêtes, des triomphes de la vie collective dans une ampleur de formes, une générosité de couleurs, rivalisant avec celles des maîtres vénitiens d’autrefois. Actuellement, à la Galerie Drouant, c’est un autre thème, « La Grande Parade », qu’il nous propose en un somptueux déploiement de trente compositions.
L’attrait du cirque sur l’imagination des peintres depuis un siècle, est constant et profond. Lautrec, Seurat, Picasso, Rouault ont été fascinés par lui, sa fantaisie, sa rutilance, son envol, sa cocasserie et sa poésie, sa joie et sa tristesse. Le cirque, c’est la fête des enfants et du peuple, la dernière survivance des cérémonies rituelles les plus antiques, tout comme la course de taureaux des Espagnols. Mentor, qui est un pur Espagnol et qui est resté très proche du peuple, a souvent déjà abordé ce thème qui lui tient aux entrailles. Il le recrée en une vision singulièrement audacieuse et complexe, qui nous fait l’effet très curieux de quelque chose à la fois très ancien et très nouveau. Dans sa Grande Parade, on retrouve d’abord les cirques populaires des foires de notre enfance, ces manèges de chevaux de bois qui enchantaient un Verlaine, ou vient s’ébrouer une noce de banlieue, les décors de carton fantastiques et las masques. Ces masques hallucinants qui chez un Ensor sont terrifiants et angoissés, apparaissent ici d’une gaieté énorme et cocasse rejoignant le fantastique des nègres, comme cet homme-taureau qui semble bondir de la toile pour se ruer sur nous. La métamorphose saisit tous les êtres, dans une joyeuse et invraisemblable ambiguïté. Le grotesque cortège de la mariée, aux atours multicolores, a l’air d’une troupe de clowns. Les animaux s’y mêlent, chevaux, moutons, girafes, les uns vivants, les autres en carton, on ne sait plus lesquels. Tous sont emportés par le jeu obsédant, omniprésent des musiciens, les rois, les maîtres de la fête : violonistes, flûtistes, batteurs de grosse caisse, de cymbales vibrant comme des arcs-en-ciel.
Mais dans le cirque de Mentor, il y a des choses encore bien plus étranges. Très souvent, au milieu des personnages, de splendides femmes toutes nues se dressent, tordent leurs formes charnues et voluptueuses, dans la loge, sur l’estrade. Elles apportent, au milieu du flot des étoffes et des costumes exubérants, l’ivresse sensuelle de leur nudité rose, lisse, opulente, comme de succulents fruits à déguster. Il y a là quelque chose de naturel, de primitif, où se rencontrent très simplement l’obsession sexuelle de notre temps, l’orgie des fêtes grecques, étrusques, les cultes archaïques et universels de la fécondité, dont la généreuse santé du peintre retrouve l’harmonie, sans complexes, dans la belle et forte joie des sens.
Cependant, Mentor nous réserve une surprise encore plus étonnante. Il est fils de l’Espagne, ce pays qui triompha avec faste au temps de Charles Quint et de Vélasquez. Au milieu de sa grande Parade, on voit surgir de somptueux costumes à collerettes énormes, à manches bouffantes, à rubans multicolores, les armures invraisemblables de Don Quichottes en délire, une femme parée comme une reine de la renaissance et trônant, telle une infante. Ces figures fraternisent tout naturellement avec les pierrots et les clowns, sans nous étonner, le carnaval des siècles se confond avec celui de la joie moderne. Pourquoi cela nous surprendrait-il en peinture, alors que nous l’acceptons à Binches ou à Nice, La réalité est aussi audacieuse que la fiction ; La signification de ces thèmes prend sa valeur dans l’art original et puissant du peintre. Ce monde grouillant et fourmillant s’incarne en d’énormes et massives figures, qui emplissent toute la toile, même de grand format, à la faire craquer, le plus souvent coupée par le cadre. Les êtres semblent gonflés en masses sculpturales, rondes et carrées, qui ne laissent place à aucun vide, comme les végétations de la forêt tropicale ou certains troupeaux d’animaux. C’est la prolifération formidable de la force vitale. Les couleurs, comme celles des fleurs, frissonnent, scintillent de toutes parts, claires, diaprées, vibrantes et fondues. Des roses, des lilas, des jaunes légers, des rouges sonores, des bleus tendres, des verts étincelants, des blancs de Neige, composent une symphonie caressante qui enveloppe d’un vêtement mousseux cette explosion de tumultueuses ardeurs. Il en ressort un contraste assez étonnant qui est bien le style propre de Mentor, à l’énergique tempérament s’exprimant par le charme et la douceur.
Différente de toutes celles qui l’ont précédée, la vision du cirque, que nous apporte La Grande Parade de Mentor, peut surprendre par son caractère intemporel, mais elle traduit une conception très moderne de l’existence, gourmande de joies sensibles et authentiques, de vie collective dense et chaleureuse, d’harmonie vitale, et elle l’exprime par un art généreux d’une large plénitude.

Maurice TASSART, Le Parisien Libéré, 16 février 1970

Encore un amoureux de la femme ! Bien qu’il ait choisi le Cirque pour thème de son exposition, à la galerie Drouant (52, faubourg Saint-Honoré), Blasco Mentor n’a pu s’empêcher de faire figurer, parmi ses clowns musiciens, des demoiselles peu vêtues, dont les robustes appas contrastent étrangement avec les oripeaux des homme grimés. Cette chair saine et sans fard, que la fantaisie de l’artiste place dans un univers artificiel, en souligne la poésie avec un bonheur rarement atteint par les nombreux peintres qui ont traité ce faux « bon sujet ». Hâtons de préciser que la plupart des toiles exposées se passent de présence féminine et n’en sont pas moins réussies. Avec son imagination et sa palette irisée, Mentor ne pouvait manquer le rendez-vous des gens du voyage.

Le Monde, 12 février 1970

Après « La Conquête du bonheur », fresque monumentale de 400 m2 réalisée pour la Maison de la culture de La Courneuve, et les grandes compositions telles que « Espagne 1936-1939 », « Bombardement au Vietnam », le peintre originaire de Barcelone Blasco Mentor vient de terminer un ensemble de toiles consacrées à la vie du cirque : « la Grande Parade », exposée galerie Drouant. Il y traduit dans un style figuratif, fortement expressif, l’atmosphère coloré, animée et bruyante de la fête, avec tout ce qu’il peut comporter de joie et de tristesse, de spontanéité et d’artificiel.
Les personnages massifs aux formes pleines souvent simplifiées, occupent presque toute la surface des tableaux, toujours trop petite pour les contenir en entier. Une couleur joyeuse et vibrante, qui éclate en mille diaprures, contribue à faire de ces compositions vastes un spectacle.

Jean DALEVÈZELes Nouvelles Littéraires, 12 février 1970

La Parade de Mentor
Blasco Mentor, ce catalan de Barcelone, vif, exubérant, aimant parler et parlant fort. « Déplaçant de l’air », comme on dit, est en fait un peintre discret. Il se manifeste peu, ne faisant pas souvent d’expositions particulières. De sorte que la critique n’a guère de raisons de parler de lui. Pourtant, Mentor est certainement, à l’heure actuelle, un des artistes figuratifs parmi les plus attachants et les plus solides. L’ensemble de toiles qu’il présente en ce moment, galerie Drouant, sur le thème « la Grande Parade », nous donne l’occasion de le faire venir dans la lumière des projecteurs. Il ne faut pas la laisser passer.
Mentor appartient à cette génération qui atteint aujourd’hui la cinquantaine. Ce qui, pour un peintre, est souvent l’âge du plein épanouissement. Affirmé dans ses conceptions, maître de son métier, ayant pris du poids, de l’expérience et de l’ampleur, portant sur le monde un regard toujours aussi avide, mais davantage clairvoyant, il se trouve en pleine possession de ses moyens. Il en est bien ainsi pour Mentor. Et l’exposition qu’il nous propose le montre dans l’épanouissement de toutes ses forces.
Espagnol, il l’est demeuré, bien que vivant en France depuis trente ans, arrivé chez nous avec cette vague lamentable des armées républicaines vaincues, déferlant à travers les Pyrénées à la fin de la guerre civile, à laquelle tout jeune homme encore, il avait pris part. Sa peinture fleure un parfum que l’on ne respire que tra los montes, tendre et cruelle, sensuelle et spirituelle, avec, toujours, un relent de tristesse, de nostalgie. La « Grande Parade », le thème de son exposition, c’est le cirque bien sûr, la foire, les saltimbanques.
Ce sujet-là, Mentor l’avait déjà traité : il lui est cher. Il lui permet, sous le masque du clown, alliant l’irréel au réel, dans cet éclairage particulier au cirque et à al fête foraine, de se montrer impitoyable sans être trop dur. Il y a du caricaturisme chez lui, et féroce. Parmi les toiles réunies chez Drouant, il en est une, Le Mariage, qui nous montre une noce égarée, non pas dans les salles du Louvre, comme celle décrite par Zola, mais au milieu des barques de la foire, tournant sur un manège. Et le peintre nous dit, avec une sorte d ejoie, la laideur, la vulgarité, la bêtise, la méchanceté de ces gens.
Il y a cela, chez lui, certes, mais bien d’autres choses : la sensualité, qui s’avoue dans ses nus, pleins, charnels ; le tragique de l’incommunicabilité entre les êtres, clowns vêtus de leurs costumes somptueux et dérisoires, affrontés à des femmes sans voile, se regardant et séparés ; de la tendresse, aussi, beaucoup, que murmurent, à mi-voix, es accords de couleurs. Et tout cela, chez un autre, pourrait être prétexte à l’anecdote ; mais chez lui, à de la peinture. Même lorsque Mentor est appelé à nous conter une épopée, celle de La Conquête du bonheur, cette histoire de l’homme qui s’affranchit des liens de la servitude pour marcher vers la lumière, par exemple, et qu’il peignit sur les murs de la salle de spectacle à la maison des loisirs de La Courneuve. Il sait fuir l’anecdote et toujours se montrer peintre. Il n’est sans doute pas beaucoup d’artistes, aujourd’hui, capables d’un souffle assez long, d’une telle force, pour réussir ce qu’il a réalisé là.
Mentor a toujours aimé les formes riches, les volumes pleins et simplifiés, bien installés dans l’espace. Mais il me semble que le calme de l’âge venant, il les enveloppe davantage, les unit, les fond, les baigne dans l’atmosphère, cherchant la douceur des passages, les subordonnant plus à la totalité générale de la toile, s’efforçant à lui faire rendre un son que l’on perçoit aussitôt et dont les composantes ne se singularisent qu’à l’examen plus attentif. La composition colorée, presque toujours à partir du rouge, la répartition de la lumière nous frappe d’abord, celle des lignes et des volumes ne se perçoit que plus tard. Coloriste, cela est évident, et maître de la lumière, Mentor possède au plus haut point le sens de la composition. Sans lui, il n’aurait pu mener à bien ses grandes fresques de La Courneuve. Il prouve une prédilection certaine pour les toiles pleines, bien remplies, et s’il ne parvenait pas à fondre les composantes, à les unir dans une impression d’ensemble, il risquerait, alors, le défaut de la trop grande abondance. Il l’évite toujours. Et ses toiles, malgré leur richesse, possèdent un juste équilibre, un rythme satisfaisant. La pyramide d’acrobates qu’il a intitulée La Colonne Vendôme, le prouve. Et le Concerto au nu montre comment par la simple arabesque d’un corps déhanché, bras levés, il sait résumer, définir, commander toute l’organisation de son tableau.
Ayant commencé sa carrière juste après la guerre, en dessinant les affiches de Luis Mariano pour la maison Pathé Marconi, qui furent suivies de bien d’autres, car il fallait vivre, décorateur de théâtre, de paquebots et de murs, illustrateur des Amours d’Ovide, excellent dessinateur, Blasco Mentor apporte dans la peinture contemporaine un accent personnel et de qualité. Cela n’est pas tellement courant aujourd’hui, qu’il ne faille le dire.

Robert BARRET, Agence française d’information économique et financière, 13 février 1970

"LA GRANDE PARADE" DE MENTOR
Un artiste est un être qui tente et parfois réussit à interpréter le monde ou, quand il dépasse les normes moyennes, à créer son propre univers. C’est le cas du peintre Mentor qui expose Galerie Drouant.
Cet univers, il le situe dans un cirque. Ce n’est pas exactement celui que nous connaissons avec Monsieur Loyal, les jolies écuyères dont nous avons été amoureux et la dompteuse de bêtes fauves. D’ailleurs, lui-même n’a que rarement frémi au lancement de l’homme canon et aux exploits des trapézistes sans filet. Mais son interprétation de l’individu, de ses penchants, de son âme, la révélation de ses pensées, sa façon de voir, de comprendre, il a été irrésistiblement amené à les situer sous le chapiteau. Et, probablement, il a, comme violon d’Ingres, la musique. En effet, sa grande parade est parsemée d’œuvres intitulées « Concerto pour flûte et clarinette », « Les trois violoneux », « Hautbois », « Le violoniste à la chèvre ». La plupart des musiciens sont des clowns, étrange humanité qui essaye d’échapper à la tristesse grâce à un solo, un duo, à une sonate. Ils ont oublié de sourire. L’un d’eux joue du violoncelle. Deux jeunes femmes, à la belle nudité sans provocation, le regardent et lui, il n’a pas un regard pour elles. Il joue et trouve avec les sons harmonieux sa raison de vive.
« Le bal », vaste composition, c’est aussi la musique, , la foule, la danse, la couleur, la lumière et d’autres œuvres imposantes, présentent ce qui est la grande parade, celle de la vie, souvent déguisée sous le clinquant, les paillettes, les masques enfarinés. La palette va des rouges assourdis à des bleus, des verts qui se veulent discrets, mais, parfois, il y a un jet de flamme, un jaune de safran comme celui qui environne des chevaux dressés sur leurs pattes de derrière.
« Le mariage », au cirque, le « Concerto au chien », « Le grand salut », ces œuvres et la plupart des autres ont une profonde résonance. Il faut apprendre à les connaître et on ne saurait oublier tous ces personnages et tout ce qu’ils confient, quand ils se rendent compte qu’on essaye de les comprendre et que c’est un ami qui les regarde.

Raymond CHARMET, Le Nouveau Journal, 14 février 1970

La foule de Mentor
Avec la Grande parade de Mentor, à la Galerie Drouant, nous voici plongés au milieu de la foule truculente du cirque, emportée dans le fracas obsédant de la musique foraine. Un cirque étrange, celui de cet Espagnol, où le public populaire fraternise avec de somptueux personnages ressuscités du temps de Charles Quint et de Don Quichotte. Tout y est énorme, les figures carrées et massives, remplissant la toile à la faire craquer, la sensualité des femmes nues, mêlées aux clowns et aux guerriers, l’humour et la joie déchaînés . Chaque composition est un hymne à l’irrésistible forme vitale. En contraste, les couleurs, claires et diaprées, scintillent avec une richesse caressante, une enivrante et merveilleuse douceur, s’enlaçant et ondulant comme les flots d’un océan de bonheur.
Depuis longtemps, le cirque, héritier des plus vieilles fêtes de l’humanité, a fasciné les peintres : Lautrec, Seurat, Rouault, Mentor a su nous en apporter une version originale et nouvelle, d’un sens profond, avec une maîtrise et une autorité qui le classent, après son immense décoration de La Courneuve, La Conquête du Bonheur, au premier rand des peintre de sa génération.

Joseph PICHARD, La Croix, 16 février 1970

Les clowns tristes et massifs de Mentor (Galerie Drouant, 52, Faubourg Saint-Honoré) semblent indifférents à la fête pour laquelle ils sont faits. Aux résonances de leurs cuivres et de leurs violons, se mêle le chant étouffé de leur propre vérité et de leur sensibilité. Les couleurs du cirque, à dominantes rose, jaune et verte, qui se voudraient agressives ne sont que le reflet de l’intériorité des personnages.

Monique DE LA DITTIÈRE, L'Aurore, 18 février 1970

Mentor a intitulé son exposition de la galerie Drouant : « La grande parade ».
C’est en effet une grande parade de sentiments, de couleurs, de mouvements et de vraie peinture.
Les hommes sont déguisés en clowns, c’est le costume qui leur convient le mieux, estime Mentor, tandis que les femmes, belles dans leur nudité pulpeuse, se laissent donner la sérénade par ces histrions.
Mentor ne limite jamais son action ni ses personnages et les générosités de sa palette donnent à ses toiles l’impression d’être projetées hors du cadre, pour mieux nous entraîner dans le tumulte de sa parade.

Juvenal, 20 février 1970

La Galerie Drouant, 52, rue du Faubourg Saint-Honoré, accueille une trentaine de toiles de Blasco Mentor, sur le thème « la Grande Parade ». Cet expressionniste baroque nous fait pénétrer dans le monde du cirque. Ses clowns grimaçants, ses violonistes, ses jongleurs sont « typés ». L’on devine dans leurs attitudes et leurs regards une infinie tristesse. Mentor sai nous émouvoir par la vigueur de son réalisme. A cinquante ans, il domine tous les peintres de sa génération.

Jean ROLLIN, L’Humanité, 23 février 1970

"La grande parade" de MENTOR
Depuis La Conquête du bonheur, décoration de 400 mètres carrés exécutée à la Maison du Peuple et de la Jeunesse de La Courneuve, Mentor pratique un art de conception résolument monumentale. Avec La Grande Parade présentée chez Drouant, trente tableaux qui se déroulent comme une fresque aux éléments interchangeables, ce n’est pas des gradins que le spectateur contemple les jeux du cirque, mais de la piste même. Partout autour de lui s’agitent clowns, acrobates et animaux savants, dans une effusion de couleurs et de lumière.
Pourquoi ce thème du cirque ? Mentor à voulu, dit-il « tenter d’expliquer des choses essentielles, mais sans qu’elles soient trop apparentes, pour ne pas tomber dans la description anecdotique. Le monde étant en réalité une parade, il arrive à chacun de nous de porter un masque qui dissimule sa personnalité profonde et, sous les dehors des conventions sociales, ses soucis, son angoisse. En opposition avec des visages interrogatifs ou fermés, les costumes baroques et clinquants des baladins soulignent cette contradiction, ce problème. Mon propos consistait à révéler le déséquilibre existant entre le luxe factice des oripeaux et la qualité de pensée des hommes qui les portent, l’écart qui sépare la fiction de l’univers réel. »
Des intentions ainsi formulées à la satire, il n’y a qu’un pas ; Mentor évite de le franchir. Son art est trop sensuel pour se complaire dans l’ironie. Si délicate que soit la situation de ses personnages ils s’en tirent presque toujours à leur honneur. Ils ne nous semblent pas ridicules : ils sont beaux. Mais on peut avoir pitié d’eux, car leur imagination leur joue des tours. Dans le Concerto au chien, par exemple, quatre violoneux se donnent beaucoup de peine pour n’intéresser qu’un petit caniche. Combien dans la vie de situations semblables !
« J’ai aussi essayé, poursuit Mentor, de traduire d’une façon picturale ce qui nous arrive souvent, quand, ayant l’air de suivre une conversation, le subconscient nous entraîne ailleurs. En fin de compte, on ne sait pas si c’est pour le chien (ou la femme nue présente dans d’autres tableaux) que joue le violoniste. La musique le transporte dans un au-delà idéal. »
- Le petit chien danse et la danseuse se pavane, mais les clowns musiciens n’y font pas attention ?
- Le tableau peut ne pas être ce que vous croyez : le spectateur est attiré par le chien prodige, par le nu, alors que le musicien ne songe qu’à son art.
- Et que ses rêves s’expriment en féerie picturale…
Dans certaines toiles, un dessin incisif, des rapports de tons aigus signalent que l’utopie a fait place au mensonge et au drame. Le sergent-recruteur de La Belle Guerre trompe effrontément son auditoire. Il lui promet monts et merveilles alors que c’est la déconfiture qui l’attend ? La Colonne Vendôme, en équilibre instable, est une parodie de la gloire militaire. « On a gagné ! », crie un cavalier flambard. Mais il sait bien qu’il ment.
Belle exposition dont le succès n’empêche pas Mentor de songer à autre chose : « Pendant quelques mois, je vais faire des lithos, des gravures. J’ai envie de tâter du dessin, d’attaquer le papier. »

Joël DERVAL,Les Lettres françaises, 25 février 1970

Sur le thème « la Grande Parade », Mentor revient à grands coups de tambour (du cirque bien sûr). Ce monde des saltimbanques demeure son sujet roi. Sous le masque de clown, il peint avec férocité un monde de caricatures humaines. Mais au-delà, la peinture de Mentor est tout un ensemble de tendresse, de cruauté, de tristesse, de sensualité. Ses compositions de couleur, à partir du rouge, le plus souvent, témoignent de sa grande maîtrise de la lumière. A ce don de coloriste, Mentor allie la justesse de l’équilibre. Par ses qualités de plus en plus affinées, Mentor ne peut être ignoré, passé inaperçu. On a trop peu l’occasion de découvrir le fruit de son travail, aussi ne faut-il pas laisser passer celle-ci.

Jean BOURET, Combat, 23 février 1970

J’avais eu l’occasion de voir quelques toiles de Mentor, il y a plusieurs mois, alors qu’il préparait son exposition à la galerie Drouant : « La Grande Parade », si bien que je peux, aujourd’hui, en parler avec le recul nécessaire. Il y a des années que je connais Mentor. Il est de ces Espagnols dont j’évoquais ici l’importance dans l’Ecole de Paris. Un Espagnol racé, têtu, solitaire, et qui mena une vie assez difficile pendant longtemps mais fit tous les sacrifices possibles pour sa peinture, telle qu’il la sentait, c’est-à-dire franchement figurative, parfois un peu caricaturale, mais solide, bien composée, sonore et haute en couleur ? « La Grande Parade », c’est le cirque des ambitions humaines, la satire de la société contemporaine qui ne diffère pas d’ailleurs de la société de tous les temps car les hommes sont cupides, jouisseurs, histrions, égoïstes, sourds à la beauté et à la bonté, vaniteux et enfermés dans leur petit univers, qu’ils parent de clinquants oripeaux. Le sujet de Mentor aurait pu être traité par Lorjou, dont il, se rapproche par la véhémence mais nous assistons à un festival de couleurs beaucoup plus rare où les rouges ont un éclat sans pareil et les bleus d’étranges phosphorescences. Le côté espagnol du costume surchargé de la composition très enchevêtrée, des tons en opposition donne à « la Grande Parade » un éclat insolite et très beau.
On aimerait que Mentor se consacre au corps féminin qu’il sait traiter comme bien peu de peintres avec une plus grande liberté d’écriture, qu’il nous donne un jour une exposition de grands nus pulpeux comme il les aime, et peut-être qu’il calme ses éclats. Mais comme les peintres « montent » à la couleur avec l’âge c’est peu probable. Mentor a déjà fait de grandes décorations pour des municipalités. Je souhaite qu’il continue, il a le sens du monumental et de l’architecturé et puis il est encore pur dans ses ambitions de peintre des grandes surfaces. On peut aimer ou détester cet art car il ne souffre pas les demi-mesures mais on doit le constater comme une réalité.

Daniel MAYBON, Paris-Match, 28 février 1970

MENTOR
Il a le sens de la « surface » : ses quatre cents mètres carrés de fresque de La Courneuve en témoignent. Sous le titre « La Grande Parade », une quarantaine de toiles plus humaines que pittoresques, avec d’étonnants accents « felliniens ».

Bernard DUPLESSIS, L’Information dentaire, 12 mars 1970

L'apport de Mentor
Sous l’appellation générale de « La grande parade », l’artiste a réuni chez Drouant, une trentaine de toiles dont le thème est celui du cirque, des saltimbanques et des gens du voyage. Ce pourrait être aussi « La kermesse héroïque » (héroïque dans le sens de tragique), tellement est apparente la filiation qui existe entre Brueghel et Mentor. Les œuvres exposées étaient de vastes dimensions, la musique, le lien supplémentaire (autre que celui du thème) qui les rythmait entre elles. Le graphisme de Mentor, volontairement déformant (il va jusqu’à la caricature), emprunte, pour célébrer le corps féminin, le chemin parcouru par Gromaire, et pour les visages, celui ouvert par Modigliani.
Quant à la somptuosité de la matière, elle réserve des transparences, des éclairages et des profondeurs qui force l’admiration des amateurs et des pairs de l’artiste (celle de Jacus en particulier, pourtant à l’opposé d’une telle démarche picturale) : il y a là un métier et une technique qui concilient virtuosité, tradition et talent.
On peut ne pas aimer cette forme d’expression, mais on ne peut pas ignorer une vision aussi vigoureuse, résolument à l’écart des sentiers battus, une vision qui sait être l’un des aspects sérieux de la recherche artistique.

Jean ROLLIN, Préface au catalogue de l’exposition à Bollène, 1970

Je connais Mentor depuis des années. Ce n’est pas seulement un créateur que j’admire, mais un ami très proche. Je dois avouer cependant que si sa cordialité, sa gentillesse ont bien facilité nos premières rencontres, j’étais quant à moi surtout curieux d’élucider les formulations plastiques grâce auxquelles s’exprime sa fascinante personnalité.
À une époque où la voix d’André Malraux proclamait que la grande peinture avait cessé d’être figurative, comment, me disais-je, travaille cet artiste dont les efforts, dans tous les genres, composition, nu, paysage, nature morte, suscitent des œuvres d’un accent si nouveau ? Il y avait là quelque chose d’alerte et de conquérant qui pouvait démentir les présages pessimistes et justifier l’inquiétude des tenants de la non-figuration qu’un marché saturé commençait à vomir, Le regretté Waldemar George, découvreur en son temps de Chagall et Soutine, ne s’émerveillait-il pas de voir Mentor « prodiguer par le jeu de ses tons chatoyants comme des verrières gothiques, une allégresse qui a pour résultat de décupler notre tonus vital » ?
La virtuosité de mentor, la séduction de ses trouvailles m’enchantaient. Je ne me lassais pas d’inventorier le luxe de sa palette. Son atelier parisien de la rue de la Grange-aux-Belles semblait à mes yeux le réceptacle des trésors de Golgonde. Mais il m’apparut bientôt que cette œuvre surabondante n’était pas faite que de joie, et cela même dans les tableaux les plus exaltés, comme ceux, tous récents, de la « Grande Parade », que présente le Salon de Bollène. . Une étrange ambiguïté se dégage de la façon qu’a Mentor d’interpréter le cirque.
Par une transposition dont la peinture en son pays est coutumière, Mentor à l’instar de Goya projette devant nos yeux les figurants d’un théâtre humain. Ses fauves musclés de naguère, ses chevaux rutilants, empanachés comme des danseuses ont disparu et laisse place, parmi une variété orchestrale de couleurs, à des musiciens, des jongleurs et des acrobates. Mais dans la tête des personnages, la messagerie subsiste. Le lion y médite de dévorer la dompteuse, le poney de décrocher de dangereuses ruades : « Le monde étant en réalité une parade, m’a confié l’artiste, il arrive à chacun de nous de porter un masque qui dissimule sa vraie personnalité et sous les dehors des conventions sociales, ses tourments. En opposition avec des visages interrogatifs ou fermés, les costumes baroques et clinquants des baladins soulignent cette contradiction. Mon propos consistait à révéler le déséquilibre existant entre l’opulence factice des oripeaux et la qualité de pensée des gens qui les portent, l’écart qui sépare la fiction de l’univers réel ». Ainsi, pour Mentor, le cirque n’est pas un thème de convention. Peintre des mœurs, il s’en prend aux illusions, à la sottise de ses contemporains et agite le bonnet à grelot de Dame Folie, porte-parole du vieil Erasme. Ses sattires sont tempérées, cependant, par les exigences d’un art soucieux d’éviter les outrances de la caricature. Bien que le goût du pittoresque soit une des constances du tempérament espagnol, l’objectivité parfois féroce de ses devanciers demeure étrangère à Mentor. Ses bouffons nous assurent que la disgrâce physique paraître toujours belle si elle est reflétée avec faste. La transposition, dans les toiles du cirque, se situe également au niveau des intentions morales. Mentor ne se moque pas, il témoigne avec au fond de lui l’espoir de corriger des hurluberlus qui se trompent. A moins qu’il ne s’agisse de méchants incorrigibles comme le sergent recruteur de la « Belle Guerre », qui abuse effrontément son auditoire pour le conduire, tambour-battant, au casse-pipe. Un destin incisif, des rapports de tons aigres signalent alors qu’à l’utopie succèdent le mensonge et le drame.
La Grande Parade, quoique significative de l’orientation actuelle de Mentor, ne donne qu’un aperçu d la variété et de l’ampleur de sa création tendue en permanence vers l’expression monumentale et l’affirmation d’un message à la mesure des grands problèmes de notre siècle. A la ferveur de « Fandango » et de « Concert à la Maya » qui en 1961 au Musée Galliéra attestaient la sensualité lyrique de son art, succédait l’année suivante, lors du Salon des Peintres Témoins de leur Temps, « Espagne 1936-1939 », poignante illustration des malheurs de la guerre.
La valeur de cette toile, conservée au Musée de Saint-Ouen, tient avant tout à ses qualités picturales, à la « merveilleuse entente du pittoresque dans le grand » comme écrivain Eugène Fromentin dans « Les maîtres d’autrefois », à propos du « Martyre de Saint-Lievin ». Car voilà une page dans laquelle le concert des couleurs, à l’exemple du prodigieux tableau de Rubens, a pour but de traduire « un meurtre ignoble et sauvage ». Concert d’une telle splendeur qu’on peut oublier l’horreur du sujet pour se féliciter de la réussite du peintre. Des tons fauves du paysage campagnard au bleu violent du ciel, le regard se promène dans une apothéose de lumière superbe qui baigne les corps des suppliciés et fait honte aux bourreaux de leur massacre. Autre réalisation d’envergure, une scène d’apocalypse, « Bombardement au Vietnam », qui accueille les visiteurs à l’entrée du Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis. Evoquée au paroxysme de la transposition visionnaire, la violence des avions yankees déchaînés sur une ville ouverte, justifie magnifiquement le mot de Delacroix : « Le terrible est dans les arts un don naturel comme celui de la grâce ».
Mais c’est à La Courneuve en 1960, qu’à la suite de la demande d’une commande municipale Mentor exécuta son chef-d’œuvre, « La Conquête du bonheur ». Peignant les murs, les plafond et le rideau de scène de la salle de conférence de la Maison du Peuple, soit une surface de 400 mètres carrés, il nous a donné une décoration hors série. Conçue à la gloire de l’humanité qui lutte obstinément depuis des millénaires pour maîtriser son destin, cette fresque gigantesque fit dire au grand peintre mexicain Siqueiros qu’elle pourrait bien marquer le renouveau de la peinture murale en France.
Du burlesque au tragique, du quotidien à l’épopée, quels que soient ses thèmes, la production de Mentor confirme, comme il me le disait encore, que pour lui « la pierre fondamentale est et restera toujours la réalité du monde sensible ». Mais sa peinture, comme la musique pour les personnages de la Grande Parade, emporte le spectateur dans un monde idéal.

André WEBER, L'Indépendant, 16 mars 1970

Blasco Mentor, expressionniste baroque nous révèle la parade du cirque.
À la Galerie Drouant, 52, rue du Faubourg Saint-Honoré, Blasco Mentor a fait une rentrée très remarquée avec vingt-huit toiles sur le thème « La grande parade ». Il s’agit bien entendu de l’univers du cirque. Blasco Mentor est né à Barcelone en 1919 où il fit ses études à l’école des Beaux-arts avant de venir se fixer à Paris, où il remporta le Prix du Dessin en 1953 et fut proclamé hors concours au Prix de la Critique, la même année. Depuis il a fait de nombreuses expositions particulières à la Galerie Urban, notamment et s’est manifesté dans les grands salon et récemment encore au Salon des Peintres témoins de leur temps. A l’étranger, il a exposé à Turin et à Moscou et en Amérique. Beaucoup de ses œuvres sont entrées dans d’importantes collections et divers musées. Blasco Mentor est un expressionniste baroque qui accentue volontiers le côté caricatural et grotesque de ses personnages. Il a beaucoup peint des scènes de corrida et des nus bien en chair, provocants d’un érotisme de bon aloi. En la présente exposition, il nous emmène au cirque. Les clowns, les musiciens, les jongleurs, les chevaux nous y attendent. Ce ne sont pas des artistes ordinaires ou quelconques. Ils sont « typés » et leur visage maquillés ou leurs masque ont su protéger une sorte de mystère. Ils sont impassibles devant la comédie humaine, devant nos regards scrutant leur identité et leur caractère. Ils se refusent au dialogue, n’étant en définitive que des marionnettes, des amuseurs, des êtres hors du temps. La plupart de ces compositions sont de grandes dimensions. Parmi les plus attachantes, citons « Les trois violoneux » d’un humour grinçant et corrosif, « Nu regardant l’homme », « Concerto au bandonéon », « Parade », « Chèvre et musicien », « Violoncelle aux deux nus », « L’enfant jongleur et sa famille », « Les premiers pas », « Concerto au chien », « le bal ». Un lyrisme vigoureux anime les toiles de Mentor, de même une sensuelle ivresse colorée. Il n’est pas interdit de penser que le grand peintre catalan ait voulu nous montrer, par le biais de cette parade de visionnaire, notre propre dérision et l’absurdité de la vie que nous menons en dépit de nos masques et de nos illusions. La maîtrise de Mentor ne fait pas de doute !

Jean ROLLIN, L’Humanité, 18 juin 1971

La peinture de Mentor à Corbeil
La présentation à la mairie de Corbeil-Essonnes, d’une série important de tableaux de Mentor, va contribuer à populariser l’œuvre de cet artiste, moderne par ses aspirations, par ses recherches, et fidèle en même temps à une tradition qui est celle de la grande peinture figurative.

Depuis ses Lavandières et sa Cueillette d’olives, en vingt années de création féconde, Mentor n’a cessé d’élargie son registre dans le sens d’un art chaleureux, puissant et toujours humain. Au fur et à mesure qu’il abordait de nouveaux thèmes, il n’hésitait pas, pour les exprimer, à remettre constamment son acquis en question, car la peinture est d’abord et avant tout langage. C’est pourquoi, à l’inverse des évocations bucoliques de naguère, dans les toiles plus récentes dictées par la nostalgie de la patrie perdue, le ton se hausse, la couleur éclate. L’apothéose de lumière dans laquelle baignent les corps du couple et de l’enfant suppliciés d’Espagne 39, fait honte aux hommes d’un tel massacre.
Les rythmes haletants des tableaux de Mentor sur le cirque traduisent l’intensité du drame vécu par ses personnages. Les gesticulations du bateleur ou du pitre, les angoisses de l’équilibriste, ne sont pas autre chose qu’une transposition, sur le mode burlesque, des mensonges et du trouble de notre époque. Tout au long de la Grande Parade, Mentor, peintre de mœurs, se moque, fustige, mais se garde de caricaturer : il est bien trop artiste pour cela.
Le spectateur découvrira comment, après la décoration de la Maison du Peuple et de la Jeunesse de La Courneuve, Mentor devait s’orienter résolument vers la peinture murale et monumentale. Brossés de la façon magistrale que l’on sait, les 400 mètres carrés de la Conquête du bonheur lui ont donné l’envie d’affronter des surfaces plus vastes encore. A la vue de la Chapelle Saint-Jean, joyau gothique du XIIIe siècle, actuellement restaurée par les soins de la municipalité, Mentor a fait un rêve, celui de pouvoir dire, sous ces voûtes vénérables, sa foi en l’avènement d’une humanité pacifique et heureuse.
L’exposition s’achève sur la maquette du projet grandiose qu’il a conçu dans cet espoir et qui est ainsi proposé à la discussion de la population corbeilloise.

Le Réveil, 23 décembre 1971

Du nouveau dans la salle des mariages
Pour donner un peu plus de solennité aux cérémonies civiles qui se déroulent en mairie, la municipalité avait fait aménager un ensemble stéréophonique afin de célébrer les mariages en musique. Elle vient de faire mettre en place une grande peinture de Blasco Mentor sur le panneau central de la salle des mariages.
En effet, les élus municipaux n’ont pas seulement la responsabilité d’administrer leur commune ; ils ont aussi le devoir de faciliter l’accès aux choses de l’esprit.
C’est ainsi que depuis 1965, les élus d’Epinay s’efforcent – comme de nombreuses autres villes alentour – de pratiquer une politique culturelle au niveau des besoins de notre époque.
Dans cette optique, ils ont doté leur ville d’une Maison des Jeune et de la Culture qui rayonne, non seulement sur le grand ensemble d’Orgement, mais également reçoit des participants jeunes et adultes des autres quartiers. Elle organise des expositions, des sorties au théâtre, des spectacles dans sa salle de 400 places, répondant ainsi à un besoin important de la population. C’est ainsi que le Conservatoire de musique et de danse accueille maintenant plus de 600 enfants et adolescents, que les prêts de livres dans les deux bibliothèques, sont en augmentation constante, que la section enfantine de la bibliothèque « Albert Camus » connaît un grand succès.
Et d’autres équipements culturels sont prévus dans le centre d’Epinay et à la Briche.
Mais il faut aussi « donner à voir » : aux enfants dans les écoles Jean Jaurès qui s’orne des œuvres de Mireille Miailhe, aux automobilistes qui s’impatientent avenue Delattre et c’est un motif du peintre Patrick Hugues, à la plastique et aux couleurs modernes animant le fronton du gymnase Léo-Lagrange. Aux ménagères qui font leurs courses et c’est le marché de la Briche décoré d’un bas-relief de Boris Taslitzky.
Ainsi s’enrichit chaque année d’œuvres nouvelles le patrimoine artistique de notre ville.
A la mairie, dans la salle du Conseil, des dessins à la plume de Boris Taslitzky, rappeleront le vieux quartier de Centre dont toute une partie est déjà entrée dans le passé.
Et depuis jeudi 9 décembre, c’est un grand tableau de Blasco Mentor qui décore la salle des mariages.
Pour la salle des mariages, il fallait une œuvre qui évoque le bonheur, la fête. Elle est en lace : joyeuse et colorée, vivante ; QUI EST MENTOR ?
Blasco Mentor est Espagnol. Il a quitté son pays en 1939. Pas par hasard, naturellement. L’obligation de quitté son pays était, dit-il tempérée pour lui par le bonheur de connaître Paris. Mais avant de connaître Paris, il lui a fallut passer par les camps de Gurs et St-Cyprien où il fut interné durant de longs mois.
Sa carrière est jalonnée de nombreuses distinctions : A Paris, en 1953, il obtient le prix du Dessin et est déclaré hors concours par le jury du Prix de la Critique. En 1966, le Prix des « Peintres témoins de leur temps » lui est décerné pour l’ensemble de son œuvre. Ses expositions particulières à Paris, en 1946 – 1950 – 1952 – 1953 – 1959 – 1961 – et 1965 ont consacré son talent et son originalité.
A Lyon (1949) au Musée de Mulhouse, à Poitiers (1954) au musée Galliéra (1961) Mentor a présenté des ensembles importants, tout en participant à maintes expositions de groupe, notamment en France, en Allemagne, en Italie, aux Etats-Unis, en Union Soviétique et au Japon.
Des toiles de Mentor figurent au Musée de Saint-Denis et à celui de St-Ouen.
En 1966, il a reçu de la ville de La Courneuve la commande d’une grande œuvre pour décorer la salle des Conférences de la Maison du Peuple et de la Jeunesse, œuvre intitulée : « la Conquête du bonheur ». Inaugurée en 1967, la « Conquête du bonheur » a reçu la même année une mention spéciale du Jury du Prix de la Critique.
Maintenant, il est souhaitable que, dans le cadre de la rénovation du Centre d’Epinay, d’autres œuvres – des sculptures notamment – viennent compléter le patrimoine artistique de la commune.
Ainsi, sur les propositions de Fernand Belino, amateur d’art, mais aussi premier maire adjoint, la municipalité d’Epinay, prenant la relève des rares mécènes d’autrefois, dote peu à peu sa ville d’équipements culturels et d’œuvres d’art qui constitueront l’héritage de notre temps aux générations futures.

Jean DALEVÈZE, Nouvelles Littéraires, 18 juin 1971

Enfin, l’excellent peintre Blasco Mentor présente une rétrospective de son œuvre à Corbeil-Essones. Il doit y décorer une chapelle du treizième siècle désaffectée, et nul mieux que lui peut mener à bien ce grand ouvrage. La décoration qu’il a réalisée pour la Maison des loisirs de La Courneuve est une parfaite réussite.